J’adore les histoires. Celles qu’on vit, celles qu’on invente, celles qu’on raconte encore et encore. Celles qui nous font rire, celles qui nous font pleurer, celles qui nous font simplement prendre conscience que nous sommes en vie.
Les histoires et les mots forment notre réalité et j’ai toujours été fascinée de constater la puissance de la narration. Les histoires nous permettent de voir le monde à travers les yeux de la personne qui la raconte, et une même situation peut être racontée de mille et une façons. Et la réalité dans tout ça, n’est-ce pas un concept très subjectif finalement ?
Oui, ce sont celles et ceux qui racontent les histoires qui gouvernent le monde et c’est d’ailleurs ainsi qu’est né le concours d’écriture Sororistas en mars 2020, mais cela est une autre histoire 🙂
Dans un monde dans lequel le mal-être au travail et le burn-out touchent tous les niveaux hiérarchiques, dans un monde où nous sommes à la recherche du sens de notre action et de notre existence, dans un monde bouleversé par une pandémie mettant à l’épreuve tout ce en quoi nous croyons, pouvons-nous utiliser l’imagination et les histoires pour rendre nos organisations meilleures pour notre monde ?
Comment la narration peut porter le regard sur ce que nous voulons vraiment, vraiment et nous aider à le réaliser ? Comment imaginer un futur souhaitable et écrire l’histoire collective que nous désirons vivre ? Et comment porter cela dans les entreprises et organisations pour les aider à créer un climat sain, plein d’espoir et d’enthousiasme pour leurs équipes ?
Pour y répondre, je vous raconte l’histoire de la naissance d’une approche narrative puissante, l’Appreciative Inquiry ou la démarche appréciative.
La naissance de l’Appreciative Inquiry
Il était une fois un étudiant en développement des organisations aux US dans les années 1980, David Cooperrider. Alors qu’il effectuait des recherches dans la clinique de Cleveland sur la source des problèmes de cette organisation, il découvrit dans cet établissement un style de leadership et de gouvernance inspirant, créant un sens de la collaboration et coopération très fort entre les 300 médecins de cette clinique. Poussé par son directeur de thèse, Suresh Srivastava, il commença à s’intéresser aux facteurs de succès de ce modèle, plutôt que de se consacrer – selon son approche initiale – aux problèmes de l’organisation.
Ensemble ils constatèrent que rien que passer d’un questionnaire portant sur les déficits et focalisé sur les problèmes, à un questionnaire appréciatif explorant les sources du succès avait déjà une influence sur les réponses et la posture des personnes. Un discours génératif, créateur de nouvelles métaphores s’installa alors. Et ils conclurent qu’en adoptant une posture de leadership appréciatif on pouvait créer continuellement des histoires et métaphores génératives pour une organisation.
Leurs travaux sont devenus les piliers de l’Appreciative Inquiry. Il s’agit d’une révolution dans le développement organisationnel et l’accompagnement au changement, une révolution positive du leadership : l’art de poser les bonnes questions permet d’extraire les pépites d’une organisation et donner vie à une vision du futur souhaitable. Contrairement aux méthodes classiques de changement, l’Appreciative Inquiry ne s’arrête pas à CE QUI EST, mais cherche à illustrer CE QUI POURRAIT ETRE, le meilleur futur possible, et à donner vie à cet avenir.
Les bienfaits de la démarche appréciative
Il s’agit à la fois d’une méthode de changement et d’une philosophie. Une façon d’aborder la vie et de faire briller les pépites plutôt que de combattre les points faibles. Au cœur de cette démarche il y a l’exploration appréciative, le questionnement qui oriente le regard sur ce qui fonctionne, qui donne des résultats, qui donne vie. L’Appreciative Inquiry se base sur les histoires vécues des membres d’une organisation.
Cette approche se démarque des autres méthodes de changement par sa scalabilité, flexibilité et générativité. Elle aide les organisations à découvrir la valeur de ses membres et de créer une vision et mission alignée sur celle-ci.
A travers le processus hautement participatif de l’exploration appréciative, une organisation va découvrir ses forces clés, et fera émerger de nouvelles opportunités de produits ou services, parfois aussi des pistes pour réduire les coûts et augmenter les revenus.
La démarche appréciative donne de l’énergie et renforce indéniablement les résultats d’une équipe. En les connectant à leurs sources de vie individuelles et collectives, ils trouvent le sens de leur action au quotidien et peuvent s’épanouir pleinement dans l’entreprise.
Les 5 principes fondamentaux de l’Appreciative Inquiry
- Le principe constructionniste – Nos mots forment notre réalité. Notre réalité est construite de nos échanges, de nos histoires, des questions que nous nous posons. A travers nos relations, nous co-construisons nos organisations. Et pour enclencher un changement, il est important de rassembler tou⸱te⸱s les participant⸱e⸱s impliqué⸱e⸱s afin de co-construire l’histoire à vivre ensemble. Erreur fatale : Réfléchir un plan de transformation en petit comité à la place des parties prenantes
- Le principe de simultanéité – Les systèmes humains évoluent dans le sens des questions qu’ils se posent, et qu’ils débattent. Une question n’est jamais neutre, dès que l’on questionne, on provoque des changements. Cultivons l’art de poser les bonnes questions pour évoluer et grandir ! Erreur fatale : Poser des questions du style « Quels sont les freins qui vous empêchent … » qui emmènent les gens dans l’analyse des problèmes et empêchent de trouver des solutions.
- Le principe poétique – En nourrissant les histoires que nous voulons vivre nous leur donnons vie. La représentation d’une organisation est le résultat des histoires que les gens se racontent, et ces histoires offrent des multitudes d’objets d’études. Nous pouvons choisir ce sur quoi nous focalisons notre pensée, ce que nous explorons. Erreur fatale : Négliger la marge de manœuvre que nous avons dans nos récits.
- Le principe d’anticipation – Ce que nous faisons aujourd’hui est guidé par notre image du futur. Ce sont les images collectives du futur qui inspirent l’action d’une organisation. En imaginant un futur souhaitable collectivement, nous attirons la réussite car nos pensées influencent nos décisions et actions, notre comportement. Plus nous focalisons notre attention sur une idée, plus nous la faisons grandir. Erreur fatale : Concentrer notre attention sur des pensées négatives, car elles vont se réaliser.
- Le principe positif – Le changement durable nécessite des sentiments positifs et des liens relationnels. L’espoir, l’excitation, l’inspiration, la convivialité et la joie augmentent l’ouverture d’esprit et la flexibilité cognitive. Cela libère le potentiel de créativité et d’innovation, et facilite ainsi le changement. Les participant⸱e⸱s se connectent aux sources d’énergie de l’entreprise. Erreur fatale : Tenter de convaincre de la nécessité du changement en partant des problèmes qui semblent prédominants. Car comme le disait Albert Einstein :
Aucun problème ne peut être résolu en restant sur le même niveau de conscience que celui qui l’a créé. Nous devons apprendre à voir le monde d’un autre point de vue.